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Au XVIIIe siècle, un rapport nouveau s'instaure entre la société humaine et son environnement. L'esprit romantique trouve dans la montagne le lieu du sublime, notion que Jean-François Lyotard définit ainsi dans son texte Le sublime et l'avant-garde, en 1984: "ce sentiment contradictoire, plaisir et peine, joie et angoisse, exaltation et dépression." Ces mots font écho à l'impression générée par le site sur lequel cette maison a été bâtie. La beauté de la vue est saisissante, la qualité de l'orientation optimale, mais les alentours sont dévorés par un étalement de constructions caractéristique de nombreux quartiers qui se développent dans des communes comme Grimisuat, à la fois proches d'une nature préservée qui se trouve à des altitudes toujours plus élevées et des infrastructures bâties dans la vallée du Rhône.
Pour réconcilier ces impressions opposées, le projet travaille finement afin de permettre aux personnes habitant la maison de vivre dans un cadre où les aspects positifs du contexte sont magnifiés et les négatifs oubliés. Contrairement à ce qui pourrait être imaginé, ce résultat n'est pas obtenu en plaçant les intérêts de la famille au-dessus de toute autre considération. Plutôt que de suivre le modèle de nombreuses constructions voisines et de dresser plusieurs étages sur un socle aménagé en rupture avec la pente du terrain, le bâtiment se développe sur un niveau. La disposition des pièces permet d'étaler en diagonale un plan qui s'adapte à la topographie tout en respectant la géométrie générale du quartier. Au lieu de surenchérir en hauteur pour garantir une vue exceptionnelle, c'est par la précision du positionnement des ouvertures que le rapport entre intérieur et extérieur trouve sa qualité. Alors que l'apparence modeste de la maison pourrait faire croire qu'elle est d'un confort moindre que ses voisines elle offre au contraire une richesse d'orientations et d'ambiances exceptionnelle, tout en exerçant un impact minime sur son environnement, humain autant que naturel. La manière dont le rapport à la pente est exploité permet de faire dialoguer le proche et le lointain. Au nord, les ouvertures donnent sur le terrain, qui constitue un limite visuelle proche du fait de sa verticalité. L'espace extérieur remplit un rôle analogue à celui d'un patio, dispositif permettant à la fois l'apport de lumière et une sensation de protection. En face, au sud, le regard porte sur un impressionnant panorama, valorisé par des cadrages choisis. A ces qualités s'ajoutent les ouvertures à l'est et à l'ouest qui permettent au soleil d'entrer en permanence et de faire vivre le lieu au rythme de la journée. De plus, les éléments mobiles en façade permettent de moduler en permanence la lumière, les vues.
Les subtiles transitions entre échelles, qui mettent en dialogue le petit et le grand, la végétation des alentours du bâtiment et la monumentalité des Alpes, trouvent une autre expression dans la manière dont le bois est utilisé. De loin, la maison donne l'impression d'être une architecture ancienne, construite dans la cadre de l'ancestrale économie que la société humaine a développée pour vivre dans les difficiles conditions de la montagne. Cependant, de plus près, le bardage révèle ses motifs, permettant de comprendre que le bâtiment mêle à la force d'une histoire archaïque celle d'un projet destiné à satisfaire plus que des besoins basiques en créant un cadre de vie à la hauteur d'une situation exceptionnelle. A l'intérieur, le degré de soin franchit encore un palier, culminant avec celui accordé à la bibliothèque du salon. Dans cette pièce, la cohabitation de la vue et de livres abolit définitivement l'opposition entre nature et culture, montrant que les contraires peuvent soudain trouver les conditions d'un dialogue fécond. Un esprit emblématique de l'ensemble du projet.