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programme
- laboratoire de transfert de chaleur et de masse
- laboratoire d’énergétique industrielle
- laboratoire de mécanique des fluides
- institut de génie mécanique
- laboratoire d’Intelligent Systems
- laboratoire de systèmes robotiques
- centre de neuroprothèses
- espaces communs pour les étudiants: auditorium de 50 places, salles de séminaires, restauration...
- bureaux / administration
Dédié à la mécanique, le bâtiment ME a été édifié au début des années 70 lors de la première phase de développement du campus, par l’équipe Zweifel + Strickler + Associés. Son organisation spatiale témoigne des principes sous-tendant le plan directeur d’origine : la séparation des flux de voitures et piétons, prônée par le Mouvement Moderne en architecture, explique la répartition sur plusieurs niveaux des accès au bâtiment. De plus, une trame tridimensionnelle (7,20 m de côté et 3,90 m de hauteur) découpe de façon réglée l’espace disponible, indépendamment de la typologie ou de l’usage. Au fil des décennies, le plan directeur initial a été révisé à plusieurs reprises, d’une part pour débattre de certaines projections historiques, d’autre part pour accompagner la croissance du public et les incontournables évolutions d’usages. Par ailleurs, l’écriture singulière du Rolex Learning Center – à proximité immédiate de la halle mécanique – ouvre le champ à une pluralité d’expressions architecturales, amorçant ainsi un renouvellement de l’identité du campus et, plus globalement, la mutation du campus en nouveau quartier de l’agglomération de Lausanne.
Désireuse de promouvoir l’excellence de son activité d’enseignement, de recherche et d’innovation, ainsi que de renforcer son attractivité à l’échelle internationale, l’EPFL a entrepris depuis les années 2000 plusieurs opérations de réaménagement de son campus et de ses locaux, dont le bâtiment ME, vétuste et exigu.
Un bâtiment-laboratoire
Le projet de l’équipe Dominique Perrault Architecte/ Steiner est désigné lauréat en 2011 au terme d’un concours international. Selon les termes de l’appel d’offres, le projet se doit de conserver les connexions au « pont central » irriguant l’ensemble du campus et de démolir les halles vieillissantes. Un nouveau bâtiment rectangulaire se greffe aux bâtiments ponts laissés en l’état, tandis que les deux premiers niveaux situés sous ces bâtiments ponts sont réhabilités. D’une surface de 19 000 m², le nouveau bâtiment se déploie sur quatre niveaux en superstructure et un niveau en infrastructure. Il abrite principalement les locaux de la faculté de Sciences et Techniques de l’Ingénieur (STI), composés de bureaux et des laboratoires de recherche, ainsi que des espaces de travail pour la faculté de Sciences de la Vie (SV).
Le bâtiment, terrain de jeu et d’expérimentation pour les chercheurs à la grande échelle, est composé de deux ailes reliées par un grand atrium central. D’un point de vue fonctionnel, les ailes peuvent être considérées comme deux bâtiments indépendants, disposant de leurs circulations et réseaux techniques propres. Le cloisonnement des espaces respecte la trame originelle et joue avec, le subdivisant ou insérant par endroit des double-hauteurs. La matérialité de ces espaces – béton brut et métal aux murs, ciment ou PVC au sol – privilégie la concision, qu’elle déploie dans une palette tirant du blanc au noir, du mat au brillant. Les parois tantôt opaques, tantôt vitrées, créent des points de vue explorant la profondeur du bâtiment, gardant la perception des couloirs de toute banalité. Les réseaux techniques apparents donnent quelques indices sur la vocation du bâtiment, lieu d’expérimentations scientifiques. Les bureaux individuels, quant à eux, occupent une bande périphérique le long de la façade extérieure. Chaque bureau profite d’une large baie qui ouvre vers l’extérieur, baignant en retour l’espace de travail d’une lumière naturelle tamisée. Par la qualité de leur éclairage et la générosité de leurs dimensions, les espaces de travail sont confortables et propices à la concentration.
Atrium
L’atrium forme le véritable cœur du bâtiment ; il regroupe des espaces d’accueil, de sociabilité et assure la desserte des espaces de travail. Des escaliers droits et des coursives évasées se jettent à l’oblique au travers du vide central, d’un niveau à l’autre, ou d’une rive à l’autre, brouillant la lecture de l’ensemble. Ils sont rehaussés de lignes noires qui brouillent encore plus la géométrie – lignes des mains-courantes, lignes des grandes perches tubulaires dessinées par Gaëlle Lauriot-Prévost. L’effet général doit aux caprices de Piranèse son jeu graphique tridimensionnel, par la superposition des aplats et des lignes entrecroisées, et son dynamisme, le tableau se voyant en permanence décomposé et recomposé par la déambulation du visiteur. Mais, au-delà de l’expérience spatiale quasi fantastique qu’il promet, ce dispositif renforce la fonction sociale de l’atrium : les rencontres fortuites des publics sont favorisées sans que la circulation générale ne soit entravée. Largement ouvert et présentant des hauteurs sous importantes, cet atrium dépasse sa fonction première d’accueil en pouvant se métamorphoser en lieu d’expérimentation. Placé à la charnière entre le campus où se croisent les champs disciplinaires et les laboratoires hyper spécialisés et technicisés, l’atrium peut se faire le lieu d’une vulgarisation de la connaissance, permettant aux visiteurs de mettre à l’épreuve leurs représentations.
Un jeu de charnières métalliques en façade
Pour conférer à l’ensemble une image résolument contemporaine sans pour autant occulter l’héritage des années 70, les façades marient deux langages architecturaux très distincts, mais harmonisés par leur matériau. L’une, incluant de la maille métallique, évoque librement l’imaginaire lié à la mécanique tandis que l’autre cite directement la modénature des enveloppes des bâtiments voisins.
Au sud, à l’est et à l’ouest, une façade mécanique se compose de modules préfabriqués en usine, dont les dimensions sont régies par la trame historique de l’EPFL. Chaque module superpose une peau intérieure assurant l’isolation thermique, phonique et l’étanchéité du bâtiment et une protection solaire extérieure, constituée d’un cadre tenant de la maille métallique, un matériau exploré par l’agence DPA depuis la Bibliothèque nationale de France. Les modules sont partitionnés en trois panneaux verticaux : deux sont coulissants et peuvent être déployés devant les vitrages ou au contraire superposés devant le module de façade opaque. Le déplacement de ces panneaux coulissants est motorisé par GTB pour un meilleur fonctionnement thermique, laissant toutefois à l’utilisateur la possibilité de le manœuvrer directement. Le troisième panneau, fixe, reste toujours en position devant le panneau opaque de façade.
Les panneaux en maille métallique aux tons gris sont inclinés de 5° par rapport à la façade, leur orientation alternant de l’un à l’autre ; émerge de ce jeu de plans obliqués un motif de tissage ou de charnière en version macro, qui interprète, avec la matérialité et la robotisation de ses composantes, la vocation expérimentale de la halle. La nuit, l’éclairage intérieur amplifie le jeu de contrastes, faisant ressortir le calepinage général ; le bâtiment devient une lanterne pour le campus. Renforcés par la mobilité des persiennes au gré des ciels de Lausanne, l’inclinaison des cadres et le moirage de la maille fournissent à l’observateur des perceptions riches et contrastées, le marquage du seuil chahutant le damier de l’enveloppe.
Au nord, une façade historique reprend le revêtement des façades existantes du campus, en adaptant l’enveloppe pour satisfaire les normes énergétiques Minergie® actuelles. De grands vitrages horizontaux (300cm x 150 cm) surmontent une allège opaque, composée de tôles embouties horizontales. L’isolation est faite par l’extérieur, tandis que des stores assurent la protection solaire des vitrages.
Explorant l’imaginaire de la science, du langage industriel au traitement des données, le nouveau bâtiment ME marque un jalon dans l’histoire du campus de l’EPFL, en se branchant au réseau d’édifices et de circulations, ainsi qu’à la trame structurelle, établis par le plan directeur initial. Mais cette nouvelle halle ne constitue pas la seule intervention de l’équipe Dominique Perrault Architecte/Steiner sur le campus : le concours de réaménagement remporté en 2011 comporte d’autres volets, tels que la réhabilitation de l’ancienne bibliothèque pour accueillir les services centraux de l’EPFL (bâtiment livré en 2014), ou le développement d’une stratégie pour un potentiel Teaching lab, occasion de repenser à une échelle plus urbaine le fonctionnement du campus et l’usage de son axe circulatoire central.
Dominique Perrault, mai 2016