Le statut particulièrement contraignant de la parcelle, sur laquelle se trouvait précédemment une villa individuelle appartenant à deux sœurs par héritage, et la stricte application des règlements de construction génèrent la volumétrie de l’immeuble. Le volume en forme de triangle-rectangle avec deux angles tronqués matérialise la recherche formelle pour atteindre une optimisation de l’emprise au sol de 145 m2.
Afin de maximiser la surface locative sur une parcelle exigüe, les escaliers sont disposés en façade. Cette extraction des zones de circulation en dehors du volume bâti permet une optimisation de la typologie des appartements par le regroupement des espaces de service (ascenseur, salles de bain, cuisine) autour d’un noyau central minimal. En façade, la disposition en quinconce des balcons garantit l’intégration des 3 escaliers tout en renforçant l’identité expressive et collective du bâtiment, tout en proposant des interactions entre habitants.
L’accessibilité des 8 appartements en location, sur 5 étages, s’effectue par les escaliers extérieurs et un ascenseur intégré dans le noyau central en lien avec une gaine technique verticale. L’entrée de l’immeuble et le local commercial activent le rez-de-chaussée inférieur vers la rue de Verdeaux. Une intervention de l’artiste Simon Deppierraz, réalisée à base de miroirs et de tubes lumineux, valorise le hall d’entrée.
S’inscrivant au sein de la matrice extérieure, la spatialité intérieure évoque le « fractal » en proposant une géométrie orthogonale dans les chambres et les sanitaires. Ces espaces sont axés sur le long côté du triangle et orientées sur la rue de Verdeaux. A la rencontre de ces deux figures jaillit une contre-forme interstitielle qui colonise les espaces de jours (entrée, cuisine, salle à manger, salon, bureau) et les organise en enfilade par des effets de pincements et de dilatations.
L’exosquelette en béton, qui confère la matérialisation monolithique des façades, reprend les forces générées par les saillies des escaliers et des balcons. Leur disposition en quinconce garantit l’intégration des escaliers tout en renforçant l’identité collective du bâtiment et en favorisant les interactions entre habitants. L’insertion contextuelle du nouvel immeuble s’effectue par la réinterprétation de nombreux éléments empruntés au registre architectural du 19e siècle qui s’expriment sur les bâtiments avoisinants : façade minérale porteuse, toit mansardé, fenêtres à la française, marquage des encadrements de fenêtre, balcons saillants, garde-corps, stores colorés en toile.
Le choix d’une structure en béton brute est intimement lié au positionnement des escaliers en façade. Le renversement du système constructif traditionnel avec une isolation intérieure et une structure porteuse extérieure confère une grande expressivité à l’immeuble dans un contexte d’agglomération qui manque cruellement de repère identitaire.
L’optimisation des épaisseurs structurelles et des portées permet de minimiser les ressources et le bilan carbone général. Les enjeux constructifs portent essentiellement sur le traitement des points de raccord entre dalle et façade, la gestion du point de rosée ainsi que sur la pérennité du dispositif de pare-vapeur. Tout le second œuvre est réalisé en cloisons légères afin de diminuer leur poids propre et assurer un potentiel d’évolutivité en cas de transformations futures.
Dreier Frenzel Architecture+Communication
COMMENTAIRE du jury
Cette parcelle d’angle accueille un immeuble atypique : plan triangulaire, distribution par trois escaliers périphériques qui ceinturent cette volumétrie originale. Ce choix de distribution libère ainsi toute la surface des planchers pour l’habitat. Les différents appartements s’organisent autour d’axes en diagonale permettant de « faire grand dans le petit ». Il n’y a pas de couloirs. L’unicité du matériau (façades, escaliers, balcons et toitures en béton) souligne le minimalisme sculptural de cette singulière opération placée sous le signe de l’étrangeté et de l’humour. Mais c’est aussi remettre au centre du jeu ce qui vaut le plus, en somme, ce qui est partagé.
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