Généralités
Le projet « O’Vives » pour la tête sud du nouveau quartier de la gare des Eaux-Vives, issu d’un concours en 2 tours organisé en 2013 par CFF immobilier et remporté par le pool de mandataires piloté par Aeby Perneger & Associés, comporte cinq objets au total :
- Deux bâtiments mixtes hors sol, « O’Centre » et « O’Parc » contenant commerces, bureaux et logements,
- Une galerie commerciale au rez inférieur en prolongement du Léman Express,
- Un parking public souterrain de 485 places,
- Une vélostation publique de 236 places.
Enjeu urbain : fabriquer de la « ville »
Le remplacement de l’ancienne gare des Eaux-Vives par une nouvelle gare souterraine a permis aux autorités de planifier un nouveau quartier caractérisé par une densité bâtie importante, de hauts gabarits et la présence d'équipements publics majeurs : la nouvelle gare du Léman Express et ses « émergences », le théâtre de la Nouvelle Comédie et divers équipements sportifs de quartier.
Le secteur faisant l’objet du concours CFF, à la tête sud du nouveau quartier de la gare des Eaux-Vives, a ravivé un questionnement de fond sur notre capacité à produire de la « ville » aujourd’hui. Le projet veut relever ce défi malgré l’échelle imposante des gabarits prescrits par le plan d’urbanisme (PLQ) qui attribuent de facto un caractère péri-urbain à ce quartier. Mais quelle est la ville dont nous parlons ? Avant tout un lieu de cohabitation sur le plan social, entre espace public et espace privé, entre générations successives, entre catégories sociales différentes, entre individus ayant des origines et des activités diverses. Cette diversité à multiples facettes nécessite un cadre d'expression capable de faire lien, un lien solide et fiable : l'urbanité, comprise au sens figuré comme au sens propre. Ce cadre ménage pourtant une certaine souplesse. Ainsi, plutôt que d’imposer une règle de composition applicable à l’ensemble du périmètre étudié, chacun des deux bâtiments est laissé libre de s’organiser au mieux avec le programme dont il hérite et qui lui confère son caractère propre, avec un maximum de franchise : volumétrie, références et composition formelle, matérialité et type de regard sur l’espace public.
Sur l’avenue de la gare des Eaux-Vives, le projet saisit l’opportunité de s'appuyer sur les îlots urbains existants situés en vis-à-vis direct, matériau de façade minéral et robuste, modénature soignée et chaleureuse, fenestration apaisée, proportions délicates, aussi peu de vantardise que possible à l'extérieur, une grande retenue sur le plan individuel pour favoriser en retour la qualité de l'espace public.
Du côté lac, le voisinage immédiat du projet présente un visage à la fois moderne, lisse et monumental avec les émergences vitrées du Léman Express et leur structure métallique colossale, puis la longue silhouette découpée de la nouvelle Comédie et sa façade rideau. De toute évidence, cette densité de « monuments » publics ne facilite pas la concrétisation d’un tissu urbain au sens traditionnel du terme, mais au vu de l’importance du nouveau quartier entre Eaux-Vives et Grange-Canal, le projet O’Vives s’emploie dans toute la mesure de son possible à établir une continuité urbaine, véritable « couture » entre le haut et le bas de la ville, dans une attitude de retenue et de confiance à l’égard de l’espace public. En résumé, il s’agit de chercher à construire consciencieusement un peu de tissu urbain et non quelque monument supplémentaire dont la ville n’aurait pas besoin ici.
Programme et forme
Le Plan Localisé de Quartier prévoyait des gabarits R+7 sur une profondeur de 16m50 pour les deux bâtiments hors-sol O’Centre et O’Parc, destinés à héberger une certaine complexité d’affectations (commerces, bureaux, logements, diverses relations au sous-sol commercial de la gare souterraine). Au niveau de l’avenue de la gare des Eaux-Vives, leur rez-de-chaussée accueille les entrées d'immeubles et les commerces, accessibles depuis l'arcade linéaire couverte côté rue.
O’Centre, 95m de long, 10’000m2 de surface brute hors sol, présente des retraits de façade qui mettent en évidence sa stratification programmatique (commerce, bureaux, logements) à l’aide de moyens de composition classiques lui permettant d’assurer une présence imposante et calme à la tête du quartier, fortement ancrée dans le sol. Cet encrage se décompose toutefois quelque peu lorsqu’on progresse en direction du parvis d’entrée central de la gare et que le bâtiment se soulève pour faciliter les déplacements des usagers entre la gare souterraine, les arrêts de bus et de taxis, les commerces en surface et la Comédie.
Les niveaux 2 à 4 accueillent des plateaux de bureaux qui occupent l’entier de la profondeur disponible (16m50).
Les niveaux 5 à 7 accueillent des logements (ZD LOC). La faible profondeur des étages de logement (12m50), inhabituelle au centre-ville de Genève, offre aux appartements les qualités d’un espace traversant ouvert sur le bassin lémanique et sur la crête montagneuse du Salève, qui bénéficie du soleil au sud et de la vue vers le nord, en surplomb de la nouvelle Comédie. La séparation traditionnelle jour/nuit cède ici sa place à une répartition légèrement plus informelle. Tous les appartements disposent de loggias incluses dans le volume bâti afin d’assurer une certaine privacité à leurs prolongements extérieurs et les appartements du 5e étage bénéficient en plus d’un toit-terrasse confortable.
En façade, la teinte calcaire d’un béton finement strié et une fenestration à la française évoquent la ville bourgeoise du XIXe siècle tout en faisant écho aux immeubles anciens situés en vis-à-vis direct.
O’Parc, 55m de long, 6’000m2 de surface brute hors sol, assume une plus grande simplicité formelle en adéquation avec sa situation plus en retrait dans le tissu bâti d’un quartier qui repousse les limites de la ville, à la charnière entre ville et campagne.
Les niveau 1 accueille des surfaces de bureaux.
Les niveaux 2 à 7 sont dévolus aux logements (HM et ZD LOC).
Son parallélépipède O’Parc occupe l’entier de la profondeur disponible du plan de quartier (16m50). Les distributions sont placées au centre du plan afin de libérer entièrement des façades aux fenêtres panoramiques. Les appartements s’organisent de façon plus conventionnelle avec une zone jour clairement séparée de la zone nuit. Les façades sont constituées de bandeaux horizontaux en béton teinté ocre foncé et fortement strié, en réponse aux éléments décoratifs des immeubles et villas Heimatstil du quartier, construits à la suite de la mise en service de l’ancienne gare des Eaux-Vives. Le bâtiment, comme suspendu au-dessus du sol, laisse glisser les flux de voyageurs comme durant les temps modernes chers à Erich Mendelsohn.
Dans les niveaux enterrés, la galerie commerciale occupe deux parties distinctes, l’une aménagée à l’intérieur de l’ouvrage en béton armé déjà existant de l’ouvrage Léman Express, l’autre installée en prolongement direct sous les immeubles O’Centre et O’Parc.
Sous O’Centre, les niveaux -2, -3, -4 sont occupés par un parking public directement connecté à la gare Léman Express, à la galerie marchande et aux cages d’escaliers des immeubles. Une vélostation publique s’adresse aux voyageurs du Léman Express dans l’attente de la réalisation ultérieure d’une seconde vélostation sur le flanc nord du quartier.
Composition et matérialité
Les principes constructifs adoptés cherchent à transcrire le schématisme de l’intention urbaine à grande échelle du plan d’urbanisme (PLQ) en un matériau à la fois concret, rassurant et identifiable, capable de s’inscrire dans la continuité du tissu urbain ancien des environs. Les façades des volumes hors-sol sont réalisées en éléments de béton préfabriqué sandwich teinté dans la masse. Leurs tonalités sont spécifiques à chaque bâtiment et font référence aux immeubles situés en vis-à-vis sur l’avenue de la Gare des Eaux-Vives. Les fenêtres sont en bois-métal sombre, avec un dessin aux proportions aussi élégantes que possible.
Les façades O’Centre, rattachées affectivement au centre-ville, sont porteuses et dotées d’une logique verticale classique. Dans les étages, leur surface beige clair se pare de fines stries qui évoquent l’antiquité en faisant vibrer la lumière du soleil selon son angle d’incidence, tel un velours côtelé. Sur le même mode mais fonctionnant avec une composition horizontale de portée plus lointaine, les façades O’Parc sont striées de façon plus grossière pour absorber les joints des éléments préfabriqués teintés brun foncé. Leur fenestration panoramique porte le regard au loin, hors de la ville.
Energie
Les bâtiments sont certifiés THPE et répondent aux exigences du label DGNB-Or, ce qui implique notamment une enveloppe thermique efficace et le respect de divers critères en termes d’équilibre d’impact environnemental, d’énergie d’exploitation et de limitation des dépenses en énergie grise.
Aménagements extérieurs
A noter que le projet des aménagements extérieurs de l’ensemble du quartier de la nouvelle Gare des Eaux-Vives ne fait pas partie du projet CFF, il est piloté par le Service de l'aménagement urbain et de la mobilité de la Ville de Genève.