Un chantier naval à Cully
Connu pour son festival de jazz et son paysage grandiose de vignes en terrasses qui
surplombe le lac Léman, le bourg de Cully n’en reste pas moins un port et un lieu de
pêche. En témoigne ce nouveau chantier naval inauguré au printemps 2020. Soutenu
par la commune qui souhaitait maintenir une activité artisanale en lien avec le lac, le
projet a été élaboré en discussion avec la commission consultative du Lavaux,
garante de la qualité de l’environnement bâti dans cette région inscrite au patrimoine
mondial de l’UNESCO.
Le chantier naval est de petite taille et principalement dédié à la rénovation de
bateaux en bois. Le bâtiment est organisé en trois parties regroupées sous un même
toit : Les services et bureaux, organisés sur deux niveaux à l’arrière, l’atelier en double
hauteur situé côté lac et, à l'extrémité de ce système, une cabine de peinture avec un
accès indépendant.
Afin d’intégrer ce hangar dans un site si exceptionnel, le volume est fragmenté en
façade et en toiture, évoquant ainsi les groupes de cabanes traditionnelles de pêche
qui bordent le port. Sur les façades en longueur, des ouvertures triangulaires hautes
marquent la succession de pignons. Elles permettent d’éclairer l’atelier sans réduire la
surface de travail et donnent un rythme à l’ensemble. En toiture, la répétition de
modules préfabriqués formés de faces triangulaires et enchevêtrés donne
l’impression de barques retournées et rangées côte à côte. Cette fragmentation est
obtenue grâce à un travail de plis, en continuité avec une réflexion géométrique et
structurelle déjà entamée par le bureau sur plusieurs bâtiments.
Ici, le pli n'est pas en plein. A l'image d'un bateau, il y a d'abord le travail de
charpente, visible depuis l’intérieur, puis le revêtement. La structure primaire en bois
lamellé-collé marque les arêtes de la toiture et relie les points hauts des pignons aux
points bas de ceux d’en face, en quinconce. Le dessin en zigzag des chevrons entre
les arêtes souligne la géométrie des plis et dessine de grandes structures en treillis
sous un platelage en sapin.
En dessous, les murs sont recouverts d’OSB et utilisés comme surfaces d’accroche et
de travail. En plus des porteurs en façade, une ligne intermédiaire de poteaux vient
séparer la bande de services et recevoir les appuis du pont roulant qui traverse tout
l’atelier, lui donnant sa dimension. L’ensemble des distributions techniques est
apparent afin de garantir à l’utilisateur toute la flexibilité dont il a besoin.
A l’extérieur, l’utilisation de deux essences de bois permet de rappeler cette ossature
qui se lit dans la composition de la façade. Des éléments verticaux en mélèze
rythment le bardage en sapin. Les virevents et larmiers, également constitués de
mélèze, apportent une meilleure résistance aux intempéries. En toiture, une simple
étanchéité pailletée de couleur rouge permet une finition fine et simple, dans des
tons proches des couvertures du village.
L’attention portée à la matière et aux détails constructifs ainsi que la géométrie très
articulée permet d’intégrer avec une grand simplicité cette nouvelle volumétrie dans
le port de Cully. L’architecture permet de maintenir une activité traditionnelle dans un
des plus beaux paysages des rives du Léman.
COMMENTAIRE du jury
Ce hangar à bateaux soigneusement dimensionné fait de lui-même le lien entre architecture navale et architecture tout court. Sa charpente soigneusement fuselée évoque une coque de bateau. L’intérieur du hangar, tout en bois, rappelle le confort d’un intérieur de bateau, alors qu’il s’agit d’un lieu de production. Plus globalement, l’échelle même du hangar est dimensionnée au plus juste, retrouvant l’ergonomie propre aux embarcations maritimes. Ce soin géométrique se retrouve aussi bien dans l’écriture même du bâtiment (un art du pli et du dépli de la charpente, comme un origami) que dans son implantation (l’absorption des déformations de la parcelle pour donner une impression de régularité). Conscient de sa position entre les coteaux et le lac, ce « petit » projet s’affirme par son assurance constructive qui n’est pas l’ennemie de la poésie, bien au contraire.
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