UN NOUVEL ÉLAN
Au début de la réflexion sur l’extension de l’école, il y a l’école elle-même. Une approche analytique du site, des accès, des bâtiments, leurs qualités (et leurs défauts), mais également un regard sur l’esprit du lieu, ses inspirations et ses aspirations... Les bâtiments de l’école, conçus et réalisés par l’architecte Jean-Jacques Tschumi à la fin des années 1980, sont caractérisés par leurs formes organiques qui enserrent une cour regroupant les circulations. L’intériorité de cette cour (non couverte !) prélude à l’”extériorité” des espaces d’enseignement tournés vers le paysage, orientés le long de la course solaire. La construction fait éloge aux indications de Rudolph Steiner dans l’une des conférences : “ La véritable esthétique de la forme” (Dornach, 5 juillet 1914): “les lois esthétiques, les lois de la forme, ont leur fondement d’une part dans le Cosmos, et d’autre part dans le microcosme, dans la nature humaine.”
COURONNEMENT
Comment aborder un projet de surélévation d’un tel édifice, façonné par son expression vivante des circulations, des mouvements, et des individus qui utilisent et constituent ces lieux : les élèves de tous âges et les professeurs ? Tout d’abord comprendre et respecter l’esprit du site et de l’école, chercher même à retrouver l’essence du plan initial, développé radialement autour d’un point central. Lui apporter une lecture contemporaine et intensifier son principe constructif, grâce notamment aux outils 3D.
Le travail organique du plan élaboré par Tschumi laisse aux architectes une énigme : deux marches d’escalier partent du dernier palier et butent sur un mur, suspendu dans le vide, la colonnade de piliers sculptés sur la cour se prolonge dans le ciel, semblant attendre une suite... un couronnement. Peut-être le lien manquant entre le lieu et son ciel.
SEPT NOUVELLES SALLES DE CLASSE
Prolonger l’escalier principal et prévoir un nouvel étage constitué de sept nouvelles salles de classe. La structure de béton existante porte la nouvelle charpente. La nouvelle coursive est couverte et rythmée par les consoles de la charpente et les ouvertures sur les sept salles de classes. Les espaces d’enseignement résultent d’une synthèse tridimensionnelle du plan des classes à neuf faces et du couronnement “topographique” de la nouvelle toiture, laissant de larges ouvertures zénithales ouvertes sur le ciel, tandis qu’une grande face vitrée regarde le Salève. Les classes sont entièrement revêtues de bois. Les techniques numériques de projetation et de fabrication rendent possibles les aspirations énoncées sur papier il y a 30 ans.
UN PARCOURS ÉMOTIONNEL
L’assemblage constructif des différents éléments s’appréhende par le mouvement. L’organicité du volume s’expérimente par un parcours ou chaque élément de construction met en évidence l’univers et la cohérence de l’école dans son milieu. Ainsi, la relation au construit, à l’environnement, n’est pas figée dans le temps mais évolutive, souple, naturelle, à l’écoute des usages tout en projetant une qualité d’adaptabilité et d’intelligence intrinsèque à ses différentes strates.
L’ARTISANAT POUR UNE VISION NOUVELLE
Par une collaboration étroite avec le charpentier dès les premiers dessins, ce projet a permis de développer des échanges particuliers avec les artisans. Ainsi, l’utilisation des outils de 3D ont permis d’allier technologie de pointe et savoir-faire ancestral, créant ainsi un nouveau mode de collaboration et un langage commun qui a dépassé le cadre habituel pour des solutions innovantes et enthousiasmantes, d’un point de vue technique et humain. Par ce rapport complice, l’architecte se rapproche ainsi de la production même du bâti pour proposer une vision nouvelle du métier d’architecte. Il a alors été possible d’achever en 3D le travail complexe de géométrie 2D élaboré dans les années 1980, ainsi que de résoudre “l’énigme” laissée ouverte en 1986.
UNE ÉCOLE VIVANTE
Cette construction d’un étage complet de salles de classe s’est faite au-dessus d’une école en fonctionnement, le chantier s’organisant en fonction des vacances scolaires et de la vie de l’école. La conception de la surélévation a également tenu compte du contexte paysager du quartier qui a évolué depuis la première construction, et a été réalisée quasiment entièrement en bois suisse.
PROCESSUS PARTICIPATIF
Les élèves ont régulièrement pris part au processus de construction par des visites, suivant les étapes du chantier aux moments cruciaux, et accédant ainsi à une compréhension de sa mise en oeuvre. L’entier du projet a ainsi eu une dimension didactique et s’est constituée comme un acte de transmission à la génération future.