1. Contexte
Reliquat d’un passé rural disparu, le terrain de 14’335 m2, triangulaire, constitue une opportunité foncière rare dans le tissu en mutation de la périphérie genevoise. Le cadre paysager est significatif de la rive gauche du canton : proximité des cours d’eau de la Seymaz et du Foron, perspectives dégagées vers le Chablais genevois au nord, le Môle à l’est, et le Salève au sud, ainsi que vers le Jura à l’ouest, réservant des vues splendides sur le grand paysage à 360°.
L’environnement immédiat est hétérogène, constitué de villas, d’immeubles de diverses hauteurs (R+4 à R+9), de bâtiments d’activités et d’équipements publics. A l’est et au nord, les parcelles voisines sont propriété cantonale (cycle d’orientation du Foron et école de cirque Cirqule) ou communale (maison de quartier, cycle l’Acore).
Héritée de l’usage agricole passé, une ancienne ferme dont la construction remonte à 1901 occupe le centre du terrain. Relevée dans le cadre de la mise à jour de l’inventaire architectural cantonal, elle a suscité l’intérêt de la Commission des Monuments, de la Nature et des Sites (CMNS) qui a demandé sa mise sous protection.
Le projet s’inscrit dans un contexte de forte mutation à l’échelle de la commune : l’arrivée du Léman Express, le grand projet des communaux d’Ambilly (Belle-Terre), de très nombreuses opérations de logements dans le tissu diffus, immeubles ou villas groupées.
Idéalement situé entre les deux centralités en développement d’Annemasse-Etoile (France) et du centre-ville de Thônex, polarité de la 2e couronne du canton, distant de 600 m, le site est parfaitement connecté aux axes de transports. La halte RER du Léman-Express de Chêne-Bourg, encore en construction au moment de la conception du projet n’est qu’à 750m et permettra d’atteindre la gare Cornavin en moins de 20 minutes, complétant l’offre de transport déjà dotée du tram. La voie verte d’agglomération mise en service en 2018 longe le site, offrant au projet une desserte privilégiée de mobilité douce.
Le projet innove sur de nombreux points en lien avec les enjeux de la transition environnementale.
2. Une forme urbaine compacte pour libérer le sol au bénéfice de tous
Le classement du terrain en zone villa aurait pu conduire à développer un quartier pavillonnaire, solution la plus simple à mettre en œuvre. Le contexte amène toutefois urbanité(s) à proposer une forme urbaine compacte, en dérogeant aux règles de gabarit par la grâce des instruments genevois d’aménagement du territoire. La faculté de développer un plan localisé de quartier (PLQ) permettant de sortir des gabarits imposés par la zone est suivie par le maître d’ouvrage et la commune. Le sol ainsi économisé accueillera un parc ouvert à l’ensemble de la population, au centre duquel l’ancienne ferme sera reconvertie en équipement public. Une crèche y prend place au rez-de-chaussée tandis que l’étage accueille une salle communale, permettant ainsi de mettre en valeur la charpente de bois et le volume qui s’en dégage.
3. Une inscription dans le grand territoire, emprunte d’identité rurale
La reconnaissance du contexte paysager s’accompagne d’une lecture des planifications développées aux échelles de l’agglomération, du canton, de la commune et du quartier. Le projet s’insère dans la mesure d’aménagement paysager (MAP) qui accompagne le cours d’eau du Foron, en tirant un trait d’union nord-sud entre les quartiers du centre et de la périphérie de Thônex. Le scénario choisi conforte ainsi le corridor vert et la promenade développée à l’échelle de l’agglomération, participant à la charte d’aménagement en cours d’élaboration. L’implantation du bâtiment selon un axe nord-sud en lisière du terrain souligne le sens des parcours et des aménagements de la MAP Foron, favorisant les liaisons entre quartiers, et réserve une large place aux espaces de parc. Le dessin du parc s’attache à conforter les parcours, soignant les continuités avec l’environnement immédiat. Le modelé du terrain instaure en particulier une continuité du parc avec la voie verte vers laquelle le projet s’ouvre largement. La conception paysagère s’attache à retrouver l’identité rurale du lieu. Le verger est évoqué par la plantation quadrillée d’ormes et fruitiers, s’ajoutant aux arbres existants qui ont tous été conservés et à la reconstitution des cordons boisés, des jardins potagers sont tracés et ouverts à l’appropriation des habitants à l’angle sud-est du site, les cheminements sont réalisés en stabilisé, longés des noues plantées qui assurent la gestion des eaux pluviales à ciel ouvert, les espaces plans sont occupés par de la prairie fleurie à gestion différenciée au biotope particulièrement riche.
4. Une structure bâtie simple et efficace au bénéfice d’espaces de vie largement ouverts
La concentration des droits à bâtir correspondant à un IUS de 0.6, soit la densité maximale en zone villa, aboutit à proposer un immeuble de R+4+attique, sous la forme d’une barre plissée, conjuguant efficacité typologique et amortissement de la linéarité. Ce choix permet des logements doublement orientés, et bénéficiant de perspectives ouvertes vers le grand paysage : Jura à l’ouest, Salève et Môle à l’est. La perméabilité piétonne est-ouest est garantie par 3 passages publics à travers le bâtiment. Ils génèrent des césures toute hauteur qui rythment le bâtiment, abritant les escaliers et, à chaque niveau, des paliers généreux qui sont autant de lieux de rencontre pour les habitants, bénéficiant des vues splendides sur le grand paysage.
Le bâtiment présente deux faces contrastées répondant à deux situations différentes : à l’est la matérialité du béton préfabriqué marque le frontage et les accès principaux le long du chemin de desserte ; à l’ouest le revêtement métallique, les grandes baies vitrées et les larges balcons filants s’ouvrent vers le parc. Cette double identité réserve toutefois des qualités d’habitabilité de même niveau avec de larges pièces de vie, des ouvertures généreuses et des prolongements extérieurs – loggias à l’est, balcons à l’ouest. Une bande centrale continue sur toute la longueur du bâtiment concentre l’ensemble des espaces techniques et de service, dégageant de chaque côté les espaces de vie, largement ouverts sur l’extérieur.
Chaque palier dessert 3 à 4 appartements, offrant par ses dimensions généreuses et ses vues traversantes un lieu de rencontre convivial. L’immeuble propose une grande diversité de typologies, du 2.5 au 6 pièces, favorisant ainsi la mixité des ménages. Les appartements sont en grande majorité traversants, ceux qui ne le sont pas – les plus petits - bénéficiant néanmoins de deux orientations par le jeu des paliers. L’attique réserve des terrasses exceptionnelles avec vue sur le Mont-Blanc.
5. Priorité à la mobilité douce
Le projet exploite l’atout d’une excellente desserte pour promouvoir les modes de déplacements alternatifs à la voiture :
• les aménagements extérieurs intègrent le maillage des cheminements doux à l’échelle de la commune, et orientent vers les stations de TP, en cultivant les perméabilités piétonnes à travers le périmètre ;
• le projet fait une large place au stationnement vélo qui bénéficie de silos extérieurs directement connectés à la voie verte et de locaux généreux en pied d’immeuble ;
• le nombre de places de stationnement pour les voitures est minimisé, en dérogation au règlement de stationnement sur fonds privé. Le parking en sous-œuvre est équipé de recharges électriques ;
• la disposition de l’accès au parking oriente les véhicules vers le nord de la commune, à l’opposé du centre, favorisant les modes de déplacement alternatifs.
6. Exemplarité énergétique
Le label le plus exigeant est visé pour la performance énergétique du bâtiment. 18 puits de géothermie sont placés sous l’emprise du bâtiment, alimentant l’immeuble et l’équipement public de l’ancienne ferme. Cette ressource est complétée par une couverture de panneaux photovoltaïques superposés à la toiture végétalisée. Leur disposition s’inscrit discrètement présentant une 5e façade soignée depuis les immeubles environnants, exempte des installations de chauffage et ventilation qui sont placées en sous-sol de l’immeuble.
7. Exemplarité de la gestion du sol, des terres et de l’eau
Le projet intègre dans les aménagements paysagers des éléments de gestion environnementale.
Un travail précis sur la coupe constructive du bâtiment a cherché à réduire au maximum le volume des terres de déblais de la construction. Celles-ci ont été utilisées dans la conception du projet paysager pour le façonnage d’une colline formant protection contre le bruit émanant de la route de Jussy (route cantonale) et exploitant le point de vue dégagé vers le grand paysage.
La gestion des eaux pluviales est entièrement assurée par infiltration à la parcelle. Des noues à ciel ouvert ou enterrées lorsque l’espace est insuffisant (le long de la limite est du terrain) assurent le fonctionnement du système, complété par le choix de matériaux perméables pour l’aménagement du parc. Les toitures sont en outre végétalisées pour assurer une fonction de rétention.
Enfin, les choix d’aménagement du parc, par ses plantations et sa gestion des eaux, visent la constitution d’un îlot de fraîcheur ainsi que d’un havre de biodiversité à l’échelle communale.